Kevin Drumm "First"

KEVIN DRUMM - sans titre (Perdition Plastics, 1997)
Premier CD de Kevin Drumm, cet album sans titre est souvent surnommé "First" car celui qu'il sortira juste après s'appellera Second. Paru initialement en 97, il a été réédité en 2009 sur le même label, puis en vinyle avec des inédits en 2010 (que je n'ai pas écouté, je ne parle que de la première version ici). J'ai mis beaucoup de temps avant d'écouter ce disque de mon côté, on en entend souvent parler comme une sorte de référence, notamment pour l'utilisation de la guitare, mais même sans douter du talent et de la créativité de KD, je pensais que ce serait une guitare et un disque très harsh. Les nombreuses comparaisons avec Opposite de Taku Sugimoto et les collaborations parues juste après entre les deux artistes auraient du me mettre la puce à l'oreille pourtant.

En effet, on est assez loin des drones à l'électronique ici, même si la dernière pièce laisse entrevoir la direction que prendra KD par la suite. Sur ce premier disque, KD joue de la guitare à la Keith Rowe j'ai envie de dire, mais un Keith Rowe aui aurait avalé beaucoup de metal auparavant. Il s'agit de guitare préparée, d'un disque fameux de guitare préparée, qui évoque plus l'instrument électrique que l'instrument à cordes. La guitare est ici remplie d'objets, elle est frottée, triturée, malmenée, agitée beaucoup plus que pincée. Quand on entend les cordes, c'est comme par accidents. Kevin Drumm joue sur les textures et les silences, joue sur les volumes et les couleurs. Il n'y a pas vraiment de forme, juste une énergie et une inventivité brutes qui envahissent la guitare. Il s'agit d'explorer ici tous les parasites et les accidents propres à cet instrument, de composer avec l'inouï et l'inconscient de la guitare. Pour ce faire, KD malmène cette dernière par le biais magnétique parfois, sinon par la secousse physique et la résonance de l'instrument entier, mais aussi par l'action sur les auxiliaires indispensables que sont les câbles et l'ampli.

Aucune pédale ne semble utilisée ici - hormis sur la dernière et magnifique pièce qui a des accents ambient-drone-rock genre Oren Ambarchi - la recherche est brute, primitive et archaïque, mais tout de même inouïe. Kevin Drumm délivre ici sept pièces bruitistes crades et malsaines, où le silence et la puissance se taillent une place de choix, où le repos est régulièrement suivi d'une attaque sonore, non pas harsh, mais tout de même forte. Sept pièces de recherches instrumentales dérangées, sombres, dures, exploratrices et extrêmement innovantes. Recommandé.