consumer waste

NICK HENNIES - Flourish (Consumer Waste, 2013)
Je ne sais pas combien de disques j'ai entendu avec Nick Hennies (pas des masses en tout cas), ni depuis combien de temps je croise ses enregistrements, mais une chose est sûre, c'est que c'est la première fois avec Flourish que j'entends une œuvre écrite et interprétée par cet excellent percussionniste. Et putain que c'est bon ! car si ses interprétations et ses improvisations m'ont laissé de bons souvenirs, voire très bons, cette composition se révèle quant à elle aussi riche que prometteuse.

Ce n'est pourtant pas grand chose cette composition : deux fois trois blocs de sons (plus une coda) pour vibraphone, séparés par un silence ; une structure simple et symétrique qui évolue par blocs successifs. Les blocs 1, 2, 4 et 5 jouent sur le décalage entre les baguettes, décalages temporels ou écarts entre les différentes baguettes utilisées (dures, médiums ou douces), tandis que les blocs 3 et 6 jouent plus sur les nappes, les résonatrices du vibraphone et l'espace. Seulement, tout est écrit et joué avec une sensibilité incroyable et une attention minutieuse : de la précision métronomique des premiers blocs basés sur des répétitions rigoureuses et obsédantes, à l'aspect inouï et inattendu des nappes sonores finales, jusqu'à la coda qui bénéficie d'une prise son très lointaine, ce qui la rend d'autant plus énigmatique et fantastique.

De plus, Nick Hennies prend ici le temps qu'il faut pour dévoiler toute la richesse de chaque bloc sonore. Au bout de cinq-six minutes, de mystérieuses harmoniques finissent toujours par s'enchevêtrer de manière énigmatique, comme si Hennies jouait une musique "spectrale" mais de manière naturelle. Le jeu sur les résonances et les harmoniques tisse un corps complexe et riche d'harmoniques et de variations microtonales, tout en faisant attention à la façon dont ce corps (une sorte de "réseau spectral") remplit et/ou produit un certain espace sonore.

Une très belle composition et une interprétation rigoureuse et minutieuse de cette étude pour vibraphone, harmoniques et espace sonore. Conseillé.

VA AA LR - It Just Ain't Flapping (Consumer Waste, 2013)
VA AA LR est un nom de groupe derrière lequel se cachent trois musiciens expérimentaux basés à Londres : Vasco Alves, Adam Asnan, et Louie Rice. Tous les trois utilisent des radios, des outils analogiques,des bandes, jouent sur les phénomènes électromagnétiques et les ondes statiques, sur des sons enregistrés et amplifiés, etc. Leur musique semble surgir des scènes expérimentales les plus radicales de Corée, Nouvelle-Zélande et Australie, ou américaine (qui en gros pourrait ravir les fans de Graham Lambkin, Hong Chulki, ou Matt Earle).

Une musique abstraite et abrasive, dure, rocailleuse et très aventureuse. Il s'agit de huit courtes pièces très certainement complètement improvisées : des miniatures qui se ressemblent et composées de sonorités réductionnistes, une musique assez calme qui présente quelques ruptures surprenantes, en utilisant des textures de musique concrète proche du glicth et du lo-fi, sur des formes héritières de l'eai et du réductionnisme. Ça couine, grince, percute, siffle, c'est assez statique mais sans que l'on sache où l'on va, ni d'où ça vient. Une musique franchement expérimentale qui semble tenter d'extraire toutes formes de références musicales (tant au niveau de la forme que du contenu). Un trio qui navigue en somme sur des territoires osés et créatifs, qui explorent le son de manière interne et granuleuse. Du bon travail.

informations, présentation, chroniques & extraits: 
Nick Hennies - Flourish http://consumerwaste.org.uk/cw10  
VA AA LR - It Just Ain't Flapping http://consumerwaste.org.uk/cw09 

Fabrice Favriou - Phases

FABRICE FAVRIOU - Phases (creative sources, 2012)
J'avais vu il y a quelques temps un concert de L'échelle de Mohs, dont je me souviens seulement qu'il m'avait scotché, sans trop me rappeler pourquoi. C'était ma première rencontre avec Fabrice Favriou, un musicien français que je n'ai pas réentendu depuis, et que je découvre avec Phases.

Le principe de ce disque est simple, il s'agit d'une suite de six pièces pour un harmonium bien endommagé. Des défaillances qui font tout l'intérêt de ces six drones différents. Car ce sont elles qui produisent chacune des pulsations mécaniques, des variations microtonales, des sonorités inattendues qui parcourent cette suite. Fabrice Favriou joue autant sur la pression de la soufflerie, que sur les défaillances de l'instrument. L'enregistrement est très proche, la proximité des micros et de l'instrument interpellent, on est constamment plongé à l'intérieur même des anches libres, plongé dans un chaos très organisé d'harmoniques, de mécaniques et de souffles pulsés. Un intérêt pour les parasites OK, mais aussi et surtout pour l'instrument lui-même. Du coup, Favriou met bien en avant les multiples possibilités offertes par les pédales, toutes les modulations de pression de l'air possibles, une richesse qui rend cet instrument si expressif. Mais là il ne s'agit pas forcément d'expression, il s'agit plus d'une exploration systématique (qui n'est pas froide pour autant) du corps de l'instrument, de ses mécaniques, de ses timbres et de ses résonances ; du corps, des organes et de l'enveloppe de l'harmonium.

A travers six drones hypnotiques et obsédants, qui fourmillent des microvariations sans jamais progresser (pas de manière linéaire en tout cas), Fabrice Favriou propose une sorte d'étude surprenante et aguichante pour harmonium, une étude sous la forme de drones envoûtants et extrêmement riches. Très beau travail sur l'instrument, contre toute forme forme de virtuosité (même si la sensibilité et la richesse des variations peuvent s'apparenter à une forme de virtuosité), et contre toute forme de fétichisme sur l'instrument.

Vocuhila - Diatonic Calls

VOCUHILA - Diatonic Calls (Petit Label, 2013)
Vocuhila est né d'un duo qui se décline aujourd'hui en trois combinaison, un duo sax/batterie, un trio avec contrebasse et une version électrique avec guitare. Quant à Diatonic Calls, il s'agit de la version trio avec les deux membres fondateurs : Maxime Bobo au saxophone alto et Etienne Ziemniak à la batterie, plus Jean-Jacques Goichon à la contrebasse.

La musique de ce trio est surprenante : une musique simple, puissante, mélodique et lyrique à la fois. Et là, Maxime Bobo n'y est pas pour rien, avec son alto qui pourrait faire penser à un mélange de Noah Howard pour le timbre serré et le lyrisme, et de Guionnet pour l'aspect répétitif et incisif. Un mélange détonnant en somme. Vocuhila se base sur des thèmes composés de phrases mélodiques très courtes et répétées, dont l'aspect abrégé renforce la sensation d'urgence. Des thèmes urgents et incisifs, obsessionnels, qui se prolongent dans les improvisations. La section rythmique est déjà plus free jazz, une section rythmique incendiaire qui ne s'arrête jamais. Mais c'est aussi ce qui équilibre l'aspect lyrique et mélodique, qui donne de l'urgence et de la force aux mélodies, et qui fait de cette musique une musique belle et puissante simultanément. Il ne s'agit pas du cri, même si la puissance est là, il s'agit de l'urgence, il faut que ça sorte, et tout de suite, et même si on n'a pas le temps de finir les phrases, il faut les sortir quand même.

Mais il ne s'agit pas que de les sortir, il faut que ça rentre aussi, et Maxime Bobo est là pour les répéter inlassablement, pour les implanter de force dans la tête de chaque auditeur, ces merveilleuses bribes mélodiques qui ne sont jamais conclues. Diatonic Calls est une suite d'improvisations urgentes, mélodiques, simples et répétitives, une musique nouvelle et ancienne, belle et violente, douce et forte. Très beau coup de frais pour le free jazz. Conseillé.

[informations, présentation & extraits:http://petitlabel.com/pl/disque.php?ref=PL%20free%20007]

Steve Dalachinsky & Joëlle Léandre - The bill has been paid

STEVE DALACHINSKY & JOËLLE LEANDRE - The bill has been paid (Dark Tree, 2013)
Difficile de tenir un blog soi-disant sur les musiques improvisées sans parler de Joëlle Léandre au moins une fois. Ça sera chose faite donc. La plupart des lecteurs la connaissent déjà certainement, c'est certainement la contrebassiste la plus prisée dans les salles et les festivals français de "jazz et musique improvisée". Une musicienne incontournable, qui est bien évidemment techniquement irréprochable, il s'agit d'une très grande virtuose, qui parvient à toujours interagir avec spontanéité, justesse et puissance. Une très grande musicienne d'improvisation libre me direz-vous, seulement voilà, elle fait aussi partie de ces gens qui ne remettent pas forcément en question les formes de la musique, et véhiculent - parfois sans le vouloir, de nombreux clichés. Et The bill has been paid ne déroge pas à cette règle. La présence d'un poète pourrait laisser croire l'inverse, mais non, puisqu'il s'agit de Steve Dalachinsky, un proche de Matthew Shipp et de William Parker forcément...

Bon maintenant, j'arrête mon coup de gueule. Parce que voilà, on a Joëlle Léandre à la contrebasse, Steve Dalachinsky au texte et à la voix, et je trouve ça quand même plutôt bien. Il s'agit d'une musique belle, singulière et qui paraît même intime grâce aux spoken-words de Dalachinsky. C'est intense, l'écoute entre la contrebassiste et le poète est sensible. Seuls les interludes où Léandre propose des soli ont tendance à m'ennuyer. Mais le reste est quand même surprenant - et prenant. Une voix incisive et des textes bruts, soit des éléments parfaits pour dialoguer avec le jeu hyper réactif de Léandre. Donc autant dire que ça marche très bien.

Mais quand même. Je ne comprends pas l'admiration que cette contrebassiste suscite. OK, elle joue très bien ce qu'elle joue, c'est une très grande contrebassiste pleine de talent, aucun doute, mais d'ici à dire que c'est une grande musicienne, il y a encore un pas. Et ce pas ne me paraît pas franchi, j'ai juste l'impression d'entendre quelque chose mille fois rabattu, c'est peut-être très bien rabattu ici, mais déjà fait trop de fois (et ses émules n'arrêtent pas...). Heureusement, la voix de Dalachinsky permet de quitter un peu les sentiers de la musique improvisée, mais on reste encore en plein dans les clichés de l'improvisation libre, réactive et pseudo-décomplexée.

Ecoutez-le si vous voulez vous la jouer à une dégustation de Bourgogne avec des lecteurs de jazzman, ou si vous êtes vraiment fans de Léandre ou de musique improvisée réactive, sinon...

Rodrigues & co.

E.RODRIGUES/G.RODRIGUES/O. MARSHALL/C.SANTOS/J.OLIVEIRA - Kinetics (Creative Sources, 2006)
Sur Kinetics, paru en 2006, c'est l'occasion d'entendre trois habitués du label CS : Ernesto Rodrigues (violon, alto), Guilherme Rodrigues (violoncelle, trompette de poche), et Carlos Santos (électronique), mais également José Oliveira (percussions) et Oren Marshall (tuba).

Ce quintet propose huit improvisations non-idiomatiques et réductionnistes, pas très longues, minimales, abstraites et arides. Je l'écoute peut-être avec un peu trop de recul (Kinetics a été enregistré il y a déjà sept ans...), mais en tout cas, on n'est pas loin des clichés du réductionnisme. Car sur chaque improvisation : aucune note, aucun rythme, aucun changement d'intensité, un faible volume, un intérêt quasiment exclusif porté sur les textures. Il s'agit toujours de nappes de sons, des nappes légères, fines, abstraites et abrasives, de souffles, de pistons, de sinusoïdes, de cordes et de percussions effleurées. Un ensemble de bruits légers qui fourmillent indistinctement.

Oui, Kinetics a assurément un aspect virtuose et talentueux, osé et aventureux, radical même, mais l'exploration sonore ne se suffit pas à elle-même. Elle manque de forme, de prestance, de profondeur et de consistance ici, notamment par rapport à tout ce qui a pu se faire dans cette esthétique, avant comme après ce disque.

P.REBELO/F.SCHROEDER/E.RODRIGUES/G.RODRIGUES - May there be... (Creative Sources, 2008)
De manière formelle, on pourrait croire qu'il s'agit de deux duos sur ce disque, Pedro Rebelo (piano) & Franziska Schroeder (saxophone soprano) d'un côté, Ernesto Rodrigues (violon alto) et son fils Guilherme Rodrigues (violoncelle) de l'autre. Par deux ils ont l'habitude de jouer ensemble, tous les quatre c'était la première fois sur May there be... publié en 2008, mais ça ne s'entend vraiment pas, tant le quartet est cohérent et unifié.

"Il peut y avoir..." de la tension, du calme, du mouvement, de la mélodie ; tout le programme de ces huit improvisations est indiqué dans les titres. Et les quatre instrumentistes s'y tiennent avec brio. Chaque pièce se concentre sur une ambiance ou un paramètre. Du timbre au rythme, du son aux notes, des nappes lisses aux phrases réactives et rythmiques, tout un panel de techniques et de modes de jeux est développé durant ces quarante-cinq minutes. Un panel large, où chacun semble toujours à l'aise, de l'abstraction exploratrice aux questions-réponses rythmées et réactives. May there be... démontre les nombreuses possibilités de quatre instruments, oui, mais aussi et surtout de l'improvisation non-idiomatique au sens large.

Un excellent disque pour découvrir l'état de l'improvisation libre au début du XXIe siècle à mon avis. Les esthétiques et les directions sont variées, chaque idée est abordée avec sérieux et talent, les musiciens sont très bons et s'adaptent bien à chaque situation. Très bon travail. 

E.RODRIGUES/K.YAMAUCHI/C.SANTOS - Three rushes (Creative Sources, 2012)
Three rushes est une courte suite de trois pièces improvisées par Ernesto Rodrigues à la harpe cette fois, Carlos Santos à l'électronique et Katsura Yamauchi au saxophone alto. Les trois pièces se ressemblent assez, il s'agit à chaque fois d'improvisations réductionnistes et minimalistes. Une musique toute en finesse, en délicatesse, poétique et subtile, parcimonieuse et attentive. Rien de très nouveau en somme mais j'aime beaucoup la harpe de Rodrigues, ses résonances disséminées à travers un espace éthéré, ainsi que l'aspect très espacé de ces improvisations. Un souffle, un bol tibétain, une courte sinusoïde, du bois frotté, une corde pincée, une légère note au saxophone, quelques bruits, ça fait bling - tsss - chhhh - tzzz - hmmm -et ça s'imbrique facilement. 

Trois rushes subtils et délicats, aux sonorités pures et audacieuses. Une musique calme, belle, aventureuse et sensible, comme seuls ces trois musiciens peuvent en produire. Un beau morceau de réductionnisme, sans nouveauté, mais qui est achevé et personnel.

intonema

ILIA BELORUKOV - Tomsk, 2012 04 20 (live)
(Intonema, Akt-Produkt, 2013)
Premier album du jeune saxophoniste, chroniqueur et producteur russe Ilia Belorukov, ce Tomsk se révèle être un disque à tendance réductionniste très prometteur. On entend sur ce live Belorukov au saxophone alto, sans effets mais avec des objets et des préparations, qui semble progressivement aller de l'abstraction pure à la mélodie sur ces trois pièces.

La première partie, la plus abstraite, n'est pas sans rappeler le travail d'Heddy Boubaker sur le saxophone. Ilia Belorukov souffle dans son alto sans bec. Un travail où la respiration retrouve la première place, et où le corps de l'instrument n'est plus qu'un filtre pour le souffle. Modifications de la colonne d'air, des positions de la langue et des lèvres, et intrusion d'objets dans le pavillon construisent cette pièce de manière équilibrée et variée jusqu'à l'apparition d'harmoniques. Une exploration profonde et consistante du souffle et de la respiration, mais également du bruit en tant que tel, et des différentes manières de le mettre en forme. La suite sera plutôt consacrée aux notes elles-mêmes, à leur construction et leur déconstruction, au spectre qui les compose, à travers un travail sur les harmoniques, mais aussi sur les variations microtonales, et les préparations toujours. Une partie qui est plus minimaliste et répétitive, mais qui n'en est que plus envoûtante. Et enfin, pour conclure cette espèce de longue conquête de la mélodie, Ilia Belorukov propose une pièce qui part du souffle toujours, vers des sons qui ressemblent de plus à des notes, en passant tout de même par des harmoniques multiphoniques, jusqu'à devenir des phrases mélodiques (malgré un growl très rauque qui distord complètement le son), courtes au début, avec deux ou trois notes, puis de plus en plus longues, riches et intenses, jusqu'à ressembler aux phrasés d'Evan Parker et ainsi quitter le terrain du réductionnisme.

Excellent solo très prometteur qui propose trois improvisations pas forcément très originales au niveau sonore, mais qui laissent présager le meilleur pour ce saxophoniste qui prend bien soin d'ordonner ses pièces avec équilibre et diversité, et qui semble avoir pour volonté de ne pas trop s'ancrer dans une seule esthétique. Une attention minutieuse est portée aussi bien à la forme qu'aux techniques étendues, ce qui ne fait pas de mal au réductionnisme, qui a souvent tendance à privilégier le contenu. Conseillé.



DMITRIY KROTEVICH - olgoi-khorkhoi (Intonema, 2013)
olgoi-khorkhoi est un hommage à une créature mythologique mongolienne, originaire plus précisément du désert de Gobi. Hommage par un jeune musicien russe toujours, que j'entends en solo pour la première fois : Dmitriy Krotevich.

Sur cette suite de quatre pièces assez courtes, Krotevich n'utilise qu'une table de mixage bouclée sur elle-même. Et même si l'on trouve du bruit blanc et des distorsions, ces quatre pièces sont beaucoup plus calmes de la noise. Elles sont plutôt construites en fonction de leur atmosphère que de leur intensité ou de leur puissance. Krotevich utilise peu d'éléments (quelques larsens immuables, des bruits plus mouvementés, et des drones), il les superpose pour créer des ambiances sombres et contemplatives, lentes et équilibrées. Les sons utilisés sont assez simplistes, beaucoup entendus pour la plupart, mais la construction et les ambiances sont déjà plus singulières. De la noise cinématographique, pourrait-on dire. Krotevich dessine des paysages et des atmosphères d'origine mythologique, mais mis au goût du jour grâce à un instrument qui, malgré sa nouveauté et sa modernité, tend à s'inscrire dans une certaine tradition.

Un travail intéressant sur la forme et les ambiances, mais sans rien d'exceptionnel non plus.

Fire Room - Second Breath

FIRE ROOM - Second Breath (Bocian, 2013)
Pour la plupart des lecteurs de ce blog, les trois membres de Fire Room ne leur seront pas inconnus (si ce n'est la formation elle-même, qui a sorti son premier disque en 2008). Certains, comme moi, les ont par ailleurs peut-être déjà trop entendus. Bref, ces trois musiciens, ce sont Ken Vandermark (saxophone ténor & clarinette), Paal Nilssen-Love (batterie) et Lasse Marhaug (électronique).

Voilà, tout est dit, rien qu'à voir ces noms, ceux qui les connaissent savent déjà largement à quoi s'attendre. Deux pièces d'improvisations ultra énergiques, nerveuses, et puissantes. Des blocs de bruit blanc saccadés, des cris de saxophone, des peaux torturées par les blasts. Le tout avec de nombreux breaks, des ruptures qui ne sont là que pour donner encore plus de puissance à ce qui suit. Les trois papes ultra prisés de la noise et de l'impro, on les connaît, on connaît leurs méthodes aussi. Rien de surprenant, mais voilà, il se trouve que je reçois ce disque au bon moment, j'ai un peu l'impression de revenir en arrière, mais ça fait un bien fou d'entendre ces explosions de violence et cette énergie incendiaire. Et puis si Vandermark et Nilssen-Love ont tendance à tourner en rond et à se répéter, au moins ils le font bien, avec la meilleur volonté du monde et en mettant dans cette musique viscérale tout ce qu'ils ont à donner. Et encore, c'est sans compter sur Lasse Marhaug, qui a le don pour ne pas laisser indifférent, le don de toujours placer au bon moment, au moins attendu, des pics électroniques abrasifs et intenses qui produisent toujours plus de puissance, mais qui a aussi le sens de la forme, un sens un peu plus aiguisé que dans le free jazz.

Une musique qui prêche les convaincus certainement avec ce troisième album (paru en CD et en vinyle), mais qui reste toujours de qualité. Pour les fans de ces trois musiciens, ce sera peut-être un indispensable, pour les autres je le conseille quand même si vous n'avez pas encore fait d'indigestion.

Anja Lauvdal & Heida Johannesdottir Mobeck

SRAP - K.O. (Va Fongool, 2013)
Skrap est un duo de deux jeunes musiciennes norvégiennes : Anja Lauvdal au synthétiseur Korg MS-10 et Heida Karine Johannesdóttir Mobeck au tuba. Leur musique oscille constamment entre l'electronica pour les couleurs mielleuses, le post-rock et le sludge pour les mélodies sombres et lentes, la noise glitch et lo-fi pour les aspects industriels, artisanaux et archaïques, et l'eai pour les formes déstructurées et spontanées.

K.O est une suite de quinze miniatures (chaque titre dure en moyenne deux minutes) décalées et surprenantes. Et le plus surprenant dans ce duo, c'est certainement le tuba qui, après avoir été modifié par de nombreuses pédales, ne se distingue plus que difficilement du synthétiseur analogique d'Anja Lauvdal. Quinze pièces étonnantes et déroutantes de synthèses sonores comiques et sombres en même temps, absurdes et pesantes à la fois.

Le duo est intéressant pour son côté osé et aventureux, mais manque souvent de mise en forme ou de consistance. On dirait plus une maquette de bon augure qu'un disque fini en somme.

MUMMU - Mitt Ferieparadis (Va Fongool, 2013)
Mummu est cette fois un quintet qui réunit les membres de Skrap et de Ich Bin N!ntendo, soit : Anja Lauvdal au synthétiseur Korg MS-10 et Heida Karine Johannesdóttir Mobeck au tuba, et Christian Skår Winther à la guitare électrique, Magnus Skavhaug Nergaard à la basse électrique, Joakim Heibø Johansen à la batterie. 

Sur ce court 45 tours de quinze minutes, trois pièces sont proposées. On ressent plus l'influence du premier duo sur la première piste avec un morceau explorateur qui va sur des territoires abstraits, fréquences basses et larsens et bruits en tout genre. Puis sur les deux pistes suivantes, c'est le côté punk hardcore du trio Ich Bin N!ntendo qui revient sur le devant, accompagné des excursions improvisées de Skrap. Un joyeux foutoire où tout le mélange se fait avec équilibre et finesse, un foutoire plein d'énergie avec des riffs lourds et gras, accompagnés d'une batterie puissante et des deux aventurières du tuba et du synthé qui donne davantage de profondeur à cette formation à tendance noise-rock et grind improvisé. 

Une musique parfaite pour boire de la bière dans un squat dégueulasse en compagnie des hipsters de votre ville. 

EVA-MARIA HOUBEN

Eva-Maria Houben, membre du collectif Wandelweiser, a lancé son propre label au début de l'année, qui comporte déjà onze disques, presque tous composés par Houben elle-même. Je ne mettrai pas d'images pour ces disques, car ils sont tous identiques à la photo ci-dessus, un design simple, épuré et minimaliste à l'image de Wandelweiser. Je ne les ai pas tous écoutés, mais il y a beaucoup de compositions pour orgue, beaucoup de collaborations avec Bileam Kümper, et bien sûr beaucoup de silences et une forte présence de l’environnement extérieur. Cinq exemples des compositions de cette excellente organiste :

  chords est une pièce pour orgue composée et réalisée en 2013, en l'église St Marien à Witten, par Eva-Maria Houben elle-même.
  Une pièce étrange, longue et monotone, qui est loin d'être ma préférée de cette série. La construction est simple : un silence de deux secondes, un accord de la même durée, puis une autre pause, un accord différent de la même durée toujours - et ainsi de suite durant cinquante-cinq minutes. Il n'y a pas de progression harmonique ou tonale, ni de changement de rythme ou de tempo, le rythme est réduit à sa plus pure simplicité (les accords sont très proches d'une respiration). Eva-Maria Houben joue surtout sur les textures et les attaques des accords, et sur leur lien avec l'intensité. Comment telle hauteur, telle attaque, ou telle tessiture produit-elle telle forme d'intensité, selon ses modes d’apparition et de disparition ? Un disque plein de variations trop légères et subtiles par rapport à la diversité des accords pour créer de la tension, je suis peut-être passer à côté mais j'ai eu du mal à accrocher et l'ai trouvé un peu trop formel.
[informations, présentation & extraits: http://www.diafani.de/?product=chords-cd]

  Sur yosemite (ensemble), comme le titre le laisse entendre, l'effectif est cette fois beaucoup plus large pour cette pièce composée en 2007 par Eva-Maria Houben : Evelyn Teuwen à la flûte, Sebastian Jeuck au saxophone, Frank Söte à la clarinette, Peter Springer au trombone, Alexander Fox aux percussions, Rommel Ayoub et Charlotte Jonigkeit aux violons, Bileam Kümper à l'alto, Anna Pätsch au violoncelle et Matthias Bernsmann à la contrebasse.
  Il s'agit là de cinq courtes pièces réalisées avec un magnifique bruit de fond sur lequel des accords se succèdent selon leur nature (instrumentale) ou leur tessiture : les vents d'un côté, les cordes de l'autre, les graves d'un côté (timbales, contrebasse, trombone), et les aigus de l'autre (violon, flûte, cymbale frottée). Le dialogue entre chaque bloc et l'environnement (extrêmement bien choisi et envoutant) forme un tout harmonieux et cohérent, subtil et très bien construit. Tout est bien équilibré entre les bruits, les familles d'instruments, les tessitures, les notes, les accords. Une construction simple mais qui se révèle très riche et surprenante : une réalisation pleine de sensibilité et de fragilité pour une excellente composition.
   On trouve également sur ce disque deux pièces composées la même année par Eva-Maria Houben et intitulées duo I - duo II (var.). Comme dans beaucoup d’œuvres de Houben, cette composition s'intéresse particulièrement à l'apparition et à la disparition des sons, ainsi qu'au silence qui leur est lié. Deux approches (réalisées par EMH à la cymbale puis à l'harmonium et Bileam Kümper aux sons électroacoustiques puis au tuba) permettent ici de mettre l'accent sur ces phénomènes aussi musicaux que sonores : une succession de vagues sonores toujours identiques et toujours différentes (la même cymbale frottée durant cinq à dix secondes et accompagnée d'un léger bruit rose discret), entrecoupées de silences égaux. Puis, sur la deuxième partie, des longues notes continues à l'harmonium, qui arrivent par vague aussi, et trois interventions très brèves et fortes du tuba sur les sept minutes de cette partie. Deux pièces également simples mais qui révèlent toute la richesse de chaque son, dès lors qu'on est sensible à leur durée, mais aussi aux conditions de leur existence (apparition, durée et disparition). Recommandé.
[informations & extraits: http://www.diafani.de/?product=yosemite-duo-i-duo-ii-cd]

  atmen 1 / 2 est une pièce en deux parties, réalisée en 2010 par Eva-Maria Houben (orgue) et Bileam Kümper (viole d'amour, tuba) en l'église St. Thomas Morus à Krefeld (Allemagne). La première partie est un remarquable duo assez court (une dizaine de minutes) composé de longues notes continues, seules, ou par groupes, à l'orgue, et quelques notes assez courtes dispersées au tuba. Les vents se confondent et s'assemblent en un univers riche et uni, forment des blocs compacts mouvementés par des micro-variations. Très beau duo. La suite est encore plus remarquable, durant environ quarante-cinq minutes, Houben & Kümper explorent les aspects primitifs de leurs instruments : la première ne produit que des vagues de souffles, et le second érafle ses cordes de manière à ne produire que quelques harmoniques de temps à autres (j'imagine que c'est la résonance des cordes sympathiques), mais surtout à ne produire que des hauteurs indéterminées faites des crins sur les boyaux recouverts d'aluminium, ou sur le corps de la viole. Seules ou en duo, les vagues de sons primitifs et abstraits apparaissent et disparaissent de manière assez régulière et organique, sur fond d'un souffle continu. Une œuvre très minimaliste et abstraite, encore toute en sensibilité et en fragilité, qui met cette fois l'accent sur les différences et les ressemblances entre le bruit et les notes, et sur les possibilités de les réconcilier en les utilisant de la même manière. Une pièce remarquable, vivement conseillée.
[informations & extraits: http://www.diafani.de/?product=atmen-1-atmen-2-cd]

  unda maris est une longue pièce de 2013 pour orgue seul, réalisée par Eva-Maria Houben en l'église St. Marian à Witten (Allemagne). Il s'agit cette fois d'une longue traversée épique d'une seule note, d'une seule respiration sans fin. Car seule une note basse est entendue de manière continue et ininterrompue durant ces 75 minutes. Plus précisément, il ne s'agit pas réellement d'un orgue, mais de l'enregistrement d'un orgue. EMH semble appliquer ensuite quelques filtres à cette note, des filtres légers qui révèlent les variations subtiles et riches de l'orgue, des filtres qui composent une mélodie d'harmonique ultra-minimale et lente. unda maris est un hommage ultime à l'orgue, dans la mesure où assez de confiance lui est accordé pour produire 75 minutes de musique avec une seule de ses notes. Cette espèce de drone rend ainsi un hommage grandiose à l'orgue en révélant et en explorant la richesse d'un seul de ses sons, une seule note qui par ses subtiles déclinaisons et sa richesse harmonique peut produire 1h15 de musique.
  Une pièce magistrale et envoûtante, sensible et riche. Une plongée épique dans un son unique et organique : vivement conseillé.
[informations & extrait: http://www.diafani.de/?product=unda-maris-cd]

  landscapes est une œuvre de 2012, composée de quatre parties et réalisée par Eva-Maria Houben (orgue, bar chime) et Bileam Kümper (tuba, viole d'amour), à partir de field-recordings réalisés par les deux musiciens, et de leurs interventions instrumentales. Sur la première partie, on peut entendre les enregistrements d'une gare avec ses trains, des enregistrements au sein desquels EMH s'immerge et sur lesquels elle propose une partie d'orgue à peine audible. Le but de chacune de ces pièces est l'intégration de la musique et des instruments à l'environnement sonore extérieur, une intégration qui permet également une nouvelle perception des bruits ambiants. Avec cette première partie, l'immersion est totale, radicale, et même avec la plus grande attention, on se demande tout le temps si l'orgue est réellement présent, dispositif qui met en place une écoute très active des bruits. De loin la partie que je préfère. Car sur les autres, il s'agit plus d'un dialogue que d'une immersion, des dialogues entre le tuba et le vent, entre la viole d'amour et un escalier, ou entre un bar chime et un balcon, dialogues où la tension est plus faible même si la composition/réalisation est très sensible.
  Une proposition assez intéressante sur les relations entre la musique et son environnement, qui active une perception très active chez l'auditeur comme chez les musiciens. Le seul dommage : les espèces d'effets "vocoder" sur le troisième enregistrement, qui viennent vraiment gâcher toute la poésie et la sensibilité du reste de cette œuvre. Pas mal en somme.
[informations & extraits: http://www.diafani.de/?product=landscapes-cd]

Daniel Menche & Anla Courtis - Yagua Ovy [LP]

DANIEL MENCHE & ANLA COURTIS - yagua ovy (MIE, 2011)
Daniel Menche est un artiste sonore largement reconnu dans le monde de la noise et de l'impro, mais qui n'enregistre malheureusement pas si régulièrement avec d'autres musiciens. C'est avec plaisir donc que je découvre yagua ovy, où l'artiste américain collabore avec le guitariste expérimental argentin Anla Courtis. Le premier est crédité à la guitare et aux boîtes de conserve, alors que son compagnon utilise des sources non moins incongrues, tels de la neige et des cailloux.

Comme la plupart des disques de Daniel Menche, yagua ovy est extrêmement structuré et cohérent, dans la mesure aussi où les deux faces se répondent de manière symétrique. Si on peut distinguer la poudreuse et le craquement de la neige au début, ainsi que quelques cordes épurées qui imitent un loup, la pièce dérive ensuite lentement, progressivement et surement vers une masse sonore de plus en plus dense, abstraite et saturée. Cette première face semble mettre en scène tout un processus de construction sonore et d'abstraction. Un crescendo intense où les sources, les repères et l'imaginaire qui leur est lié, sont vite recouverts par le magma sonore final, un magma dense et intense qui agit avec force sur les émotions.

De manière similaire, l'élément principal de la seconde pièce semble être le procès même de construction sonore. Comment, à partir de tels matériaux (une guitare et des cailloux ici), parvenir à construire une masse sonore qui ne laisse pas l'auditeur indemne, mais sans l'agresser ? Car Daniel Menche et Anla Courtis savent où ils vont, et nous y emmènent aussi doucement que surement. La prise d'assaut n'en est que plus forte : on assiste progressivement à la destruction, par la saturation et l'abstraction, du matériau initial, sans ne rien pouvoir faire, et tout en s'en délectant lâchement.

On se délecte de ce procès car le phénomène de destruction est avant tout la construction d'un monde sonore dense, puissant, massif (comme sait si bien le faire Daniel Menche) et personnel. Un monde dur, fort, envoûtant et cohérent, qui attise les émotions. Recommandé.


Paura - The Construction of Fear

PAURA - The Construction of Fear (Creative Sources, 2008)
Paura est un projet initié par le saxophoniste brésilien Alipio C. Neto (soprano & ténor), et composé des musiciens Dennis González (trompette & voix), Ernesto Rodrigues (violon alto), Guilherme Rodrigues (violoncelle & radio), et Mark Sanders (batterie). Des musiciens qui viennent autant des musiques improvisées réactives et du free jazz que de la frange réductionniste en somme. Et c'est un choix judicieux car le but de Paura semble bien être de concilier ou de confronter ces tendances.

Sur la première piste, durant 17 minutes, le quintet propose une improvisation très énergique et réactive. Une longue pièce où les musiciens se répondent sans relâche avec des phrases courtes, souvent fortes et brusques, à la manière des improvisations collectives et réactives propres aux années 2000. C'est sur la deuxième piste (qui dure 37 minutes) que la tentative de conciliation apparaît le plus clairement. La première moitié est constituée d'une nappe sonore homogène où se superposent les souffles des vents, les cordes et les toms caressés, ainsi que les fréquences radio. Petit à petit, la nappe s'épaissit et se disloque, les voix se distinguent jusqu'au superbe finale où les phrasés mélodiques des vents se superposent aux accords lisses et dissonants des cordes, tandis que Sanders tente tant bien que mal de faire la jonction entre les deux univers. Une excellente improvisation où les esthétiques de chacun se rejoignent de manière cohérente et égalitaire.

The construction of fear se conclut sur une courte improvisation non-idiomatique de 10 minutes où l'intérêt est également porté sur l'exploration des textures, l'interaction et la réactivité, l'intensité des volumes, des rythmes et des attaques, tout comme la tension propre aux timbres. Trois bons exemple d'improvisation libre qui offrent un large éventail des esthétiques propres aux années 2000. Une belle rencontre entre chacune d'elle, où chaque musicien prend le risque d'explorer le territoire des autres, et joue le jeu avec talent. Conseillé.

Aaron Dilloway + Miguel Garcia

AARON DILLOWAY - Corpse on Horseback (Ergot, 2013)
Au départ, Corpse on Horseback était une cassette aujourd'hui épuisée, mais heureusement rééditée en 45 tours par le nouveau label Ergot (après un passage sur CD-R en 2005 sur Chonditric).

Des bandes, toujours des bandes. Avec Aaron Dilloway, les méthodes sont aussi rudimentaires que le résultat est réjouissant. Des bandes corrosives à base de déchets mises en boucles, de très courts cycles d'une à deux secondes. Tout commence avec une boucle, puis deux, trois, etc., des boucles qui deviennent de plus en plus saturées, denses, et intenses. Sur les deux pistes, Aaron Dilloway superpose des boucles les unes sur les autres, sans jamais en retirer. Un crescendo où le son devient à chaque minute de plus en plus agressif, dense et massif. Ça paraît simpliste comme forme, mais le plus impressionnant est surtout la précision et la minutie avec lesquelles ces boucles se superposent, une précision héritée des techniques de calquage plus que de collage. En plus, la spatialisation du son donne l'impression d'être pris dans un étau, une impression forte et persistante. Puissant.

AARON DILLOWAY - Infinite Lucifer (Hanson, 2013)
Même si sa musique est construite quasiment de la même façon sur chacun de ses travaux en solo, Aaron Dilloway reste un musicien qui m'impressionne toujours énormément. Je me répète beaucoup quand je parle de lui, car je le répète encore, c'est un musicien qui se répète et joue sur les répétitions. Infinite Lucifer, une pièce de douze minutes (initialement paru sur un vinyle une face aujourd'hui épuisé mais réédité en version gratuite sur le bandcamp de Dilloway), se démarque seulement par son aspect plus solennel et dramatique que d'habitude, par sa construction en ruptures, ainsi que par l'utilisation d'un synthétiseur. Je ne me répèterai pas sur l'utilisation des bandes magnétiques, sur les boucles et les collages. Je répète seulement qu'Aaron Dilloway défonce: écoutez, c'est gratuit et ça ne dure pas longtemps. Je répète: Aaron Dilloway tue.

[informations & téléchargement: http://hansonrecords.bandcamp.com/album/infinite-lucifer)

MIGUEL A. GARCIA - one perjury (for murayama) (homophoni, 2013)
MIGUEL A. GARCIA - one perjury (for coccyx) (homophoni, 2013)
one perjury est une suite de deux pièces dédicacées l'une à Seijiro Murayama, et l'autre à Miguel Prado, publiées en téléchargement gratuit sur le netlabel homophoni. Deux pièces composées et assemblées par Miguel A. Garcia (aussi connu sous le nom de Xedh). Deux pièces assez linéaires où radios, sinusoïdes et petits bruits toujours assez minimalistes dialoguent avec des matériels additionnels des dédicataires (les râles et la caisse claire de Murayama, la guitare épurée de Miguel Prado). On dirait une sorte de dialogue imaginaire avec les dédicataires, un dialogue fantasmé ou désiré par Miguel A. Garcia qui tente en même temps de créer et leur univers, et une réponse personnelle à leur musique. Deux pièces courtes, minimalistes et légères, mais cependant la construction est solide, chaque évènement semble placé où il faut, et chaque univers (j'entends ceux de Murayama et Prado) est bien retranscris. Cohérent, riche et personnel: du bon travail.

(informations & téléchargement: http://homophoni.com/homo056.html et
http://www.homophoni.com/homo057.html)

ZED - Etoiles Mortes

ZED - Etoiles Mortes (autoproduction, 2013)
Pour ce nouvel opus publié en version digitale gratuite par les soins de Boubaker, le trio ZED s'est transformé en un quartet plutôt intéressant pour sa nouvelle instrumentation. Heddy Boubaker a quitté ses anches pour la basse électrique et le monotron, et c'est Florian Nastorg qui prend sa place aux saxophones alto et baryton. On trouve également à leurs côtés Frédéric Vaudaux à la batterie, et Arnaud Courcelle à l'accordéon, ce qui n'est pas sans donner une couleur très rafraîchissante à ce quartet de free jazz.

Car la musique de ZED est très proche du free, par sa puissance, sa vélocité, son énergie, sa densité et son intensité. Du free jazz, teinté de punk, de rock et de noise par la présence du bassiste Heddy Boubaker, où les improvisations sont collectives, massives et égalitaires. Au sein des musiques improvisées, deux tendances sont apparues au cours des trente dernières années, une tendance noise qui cherchait surtout à retrouver la puissance initiale du free, et une tendance réductionniste qui se concentrait plus sur l'exploration systématique du timbre afin de renouveler les formes de l'improvisation. La première solution est abordée ici avec une basse lourde, grasse et saturée, ainsi qu'avec une section rythmique généralement très puissante.Mais ce disque est surtout frais grâce aux couleurs apportées par Arnaud Courcelle. L'aspect punk-noise ultra puissant se trouve ainsi très bien équilibré par les riches touches mélodiques et polyphoniques de l'accordéon (même quand il est joué en mode cluster).

Du free jazz puissant, neuf, intense et énergique. Conseillé.

[informations & téléchargement: http://heddyboubaker.bandcamp.com/album/etoiles-mortes-2]