Rhodri Davies, Stéphane Rives, Ernesto Rodrigues, Guilherme Rodrigues, Carlos Santos - Twrf Neus Ciglau (Creative Sources, 2009)


Beaucoup de cordes (Rhodri Davies à la harpe, Rodrigues père et fils à l'alto et au violoncelle), un peu d'électronique (Rhodri Davies toujours, accompagné de Carlos Santos) et un peu de saxophone (l'extraordinaire Stéphane Rives au soprano) pour cet album au titre énigmatique publié sur le label portugais Creative Sources il y a deux ans. Sur cette unique piste de 35 minutes, un quintet radical compose et agence des textures, mélange des timbres et explore des territoires sonores vastes et nouveaux. Une musique texturale avant tout, qui se concentre sur le son dans sa dimension collective et interactive, Twrf Neus Ciglau est une pièce aux allures fantomatiques et inquiétantes qui a su abolir tous les repères musicaux tout en proposant une nouvelle approche fraiche et radicale. Une approche envoutante où des nappes se superposent et composent un son vivant, qui se meut lentement mais surement à travers son apparence monolithique. Je n'ai pas présenté les musiciens qui sont tous relativement connus pour leur virtuosité et leur talent dans la composition de textures; ainsi, sur Twrf Neus Ciglau, chacun pose un son qui fait doucement réagir le reste du quintet, et la pièce ne cesse d'évoluer vers de nouveaux espaces composés d'harmoniques, de drones, de bourdons, de nappes, de souffles, de bruits et d'attaques surgissant aussi brusquement qu'elles disparaissent. Bien évidemment, il y a de nombreuses techniques étendues, la musique est réduite à son aspect purement timbrale, mais elle n'est pas non plus figée dans un son collectif immuable et imposant. La musique de ce quintet évolue et bouge énormément tout en sachant prendre le temps nécessaire au déploiement de chaque texture abordée.

Les strates se superposent et les textures s'enchainent à travers des transitions infimes et imperceptibles, quand elles ne s'enchainent pas à travers le silence. Silence peu présent en apparence mais qui semble accaparer chaque musicien qui sait s'arrêter dès qu'il le faut, car les textures ne sont jamais surchargées et sont toujours claires malgré le nombre assez important d'instrumentistes. Twrf Neus Ciglau propose des structures axées sur la texture et le timbre, sur un son collectif avant tout mais qui ne noie pas pour autant les individualités dans des masses monolithiques. J'emploie plus volontiers le terme de nappes que de masses d'ailleurs car la composition des timbres est toujours limpide et une place conséquente est accordée au silence. Une œuvre riche qui navigue à travers des espaces sonores profonds et envoutants, comme à travers un long fleuve vert, une pièce qui sait en résumé voyager à travers des espaces expérimentaux et radicaux certes, mais toujours musicaux, car le timbre est réellement considéré comme une caractéristique musicale et artistique, et non comme un espace de refus catégorique de la musicalité. Un voyage extrême et passionnant, recommandé!